Silence, on vole !

Stéphane Moreau
Chaire industrielle d’aéroacoustique de l’Université de Sherbrooke

Réduire le bruit : une question de santé publique

Quand le professeur Stéphane Moreau prend l’avion, il n’est pas un passager comme les autres. À bord, il devient attentif à tous les bruits qui l’entourent. Un simple réflexe pour le titulaire de la Chaire industrielle d’aéroacoustique de l’Université de Sherbrooke qui a fait du bruit produit par les appareils aériens et les voitures son cheval de bataille.

Tout passager qui a déjà pris place dans un avion peut le confirmer : le bruit dans l’appareil est assourdissant. Parlez-en aussi aux riverains qui, chaque jour, entendent décoller et atterrir des centaines de bolides. Ces citoyens constituent d’ailleurs la préoccupation principale de Stéphane Moreau. « Le trafic aérien n’est pas près d’arrêter. Il augmente continuellement. On sait que la pollution sonore a des conséquences sur la santé des riverains. Réduire le bruit est devenu un besoin de santé publique », estime-t-il.

C’est une véritable cacophonie qui nous parvient dans l’avion. « Toutes les composantes du moteur font du bruit en même temps : la soufflante, le jet, le compresseur, la turbine et la chambre de combustion », énumère le professeur au département de génie mécanique. Si le moteur constitue la source principale de bruit, l’air en mouvement autour de l’avion est tout aussi assourdissant. C’est ce qu’on appelle l’écoulement. Durant le vol, quand l’air autour de l’avion atteint une certaine vitesse, l’écoulement devient turbulent et crée des tourbillons qui se déplacent dans tous les sens. « Le bruit provient essentiellement des collisions entre les tourbillons », explique-t-il. 

Si le bruit des avions est un enjeu majeur, celui des automobiles l’est tout autant. « Il y a énormément de travail qui a été fait sur le groupe motopropulseur parce que c’était le plus bruyant. Maintenant, ce qui nous donne du fil à retordre, ce sont les systèmes de climatisation et de refroidissement qui font un bruit peu sympathique », admet le chercheur. N’allez pas croire que les voitures constituent des modèles plus simples à travailler. Au contraire ! « L’écoulement est beaucoup plus facile à calculer dans un avion que dans une voiture. Dans la voiture, l’air doit franchir un tas d’obstacles avant d’arriver sur le ventilateur et cela crée des distorsions très bruyantes ».

Son groupe de recherche essaie donc de réduire le bruit de ces appareils en proposant un écoulement moins turbulent mieux contrôlé qui épousera les parois. Comment ? En jouant sur la forme des pales et des systèmes de propulsion et de ventilation ou encore en modifiant la nature de leurs matériaux.

Pour cela, il faut d’abord identifier précisément d’où provient le vacarme. C’est là que les superordinateurs de Calcul Québec et Calcul Canada interviennent. À partir des équations de la mécanique des fluides, il modélise la trajectoire de l’écoulement à travers le temps.

Son travail ne s’arrête toutefois pas là. Une fois les sources de bruit identifiées, il faut maintenant trouver une façon de les réduire. « On va proposer des modifications et recommencer les calculs pour voir leurs effets sur le bruit. Les superordinateurs permettent de faire des prédictions beaucoup plus fiables et d’éliminer les estimations. On peut développer des modèles analytiques qui n’auront pas besoin d’ajustement », se réjouit Stéphane Moreau

Grâce à la sophistication de ces appareils de calcul, on peut maintenant déterminer l’interaction sonore entre deux composantes du moteur pour obtenir le bruit total. « On est rendu à un point où il serait inimaginable de faire faire ce travail par des humains », avoue le chercheur.

Alors que la qualité acoustique des avions a fait des bonds de géants depuis les tout premiers turboréacteurs, Stéphane Moreau n’est pas près de s’arrêter. « Au cours des dix prochaines années, le défi est de retrancher encore de 5 à 10 décibels au bruit produit par les avions », espère-t-il.

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